Même si les paiements par carte et par smartphone se développent de plus en plus, le recours aux bons vieux billets reste encore fort en Europe, surtout lors des périodes économiquement ou politiquement troublées. À en croire la Banque centrale européenne (BCE) , les habitants des pays de la zone euro utilisent de moins en moins d’argent liquide pour régler leurs dépenses du quotidien. Entre 2016 et 2024, le volume de transactions réglées en espèces dans les commerces de proximité est ainsi passé de 79 % à 52 %. Les paiements par carte, de leur côté, ont grimpé de 19 % à 39 %. En France, la carte bancaire (48 % des transactions) vient même de dépasser, pour la première fois, les espèces (43 %), signe de la tendance à l’œuvre en matière de dématérialisation des paiements. Pour autant, le « cash » continue de résister notamment lors des périodes de crise, nous rappelle une récente étud e de la BCE . De la crise grecque à la guerre en Ukraine Quatre épisodes de crises majeures ont été étudié : la pandémie de Covid-19, la crise de la dette souveraine en Grèce, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la panne d’électricité d’avril 2025 en Espagne. Ces crises ont souligné la robustesse du rôle des liquidités comme instrument essentiel en cas d’urgence, quel que soit le type de perturbations l’ayant causée. Lors de l’invasion de l’Ukraine, la hausse de demande d’espèces est surtout apparue dans les pays voisins en raison d’une crainte de cyberattaque russe destinée à paralyser les réseaux bancaires. Une crainte qui est venue amplifier « le besoin perçu d’une réserve de valeur tangible et fiable comme l’argent liquide », précise la BCE. Le volume d’émission quotidien de billets de banque a ainsi augmenté de 36 % en quelques jours. En Espagne, l’effondrement du réseau électrique le 8 avril 2025, en empêchant 50 millions de personnes de consommer, les a conduit à adopter les mêmes comportements. Dans les zones touchées, les dépenses par carte bancaire ont chuté de 42 % et sur l’ensemble du pays, la consommation s’est contractée de 34 %. Les retraits de liquide dans les distributeurs étaient impossibles, du moins dans les zones affectées. Dans les autres zones, en revanche, alors qu’aucun dysfonctionnement n’était subi, les retraits ont explosé dans les heures suivants la panne, « les citoyens recherchant la sécurité des espèces physiques en cette période d’incertitude », précisent les auteurs de l’étude. En Grèce, pendant la crise de la dette souveraine, l’émission nette quotidienne de billets s’est envolée entre la fin 2014 et sur le 1 er semestre 2015. L’étude met en lumière des pics de demande de liquide répétés qui coïncident avec les mesures d’ajustement macroéconomique mises en place pendant cette période. La plus forte demande (300 M€) est intervenue le 18 juin 2015, jour où l’Eurogroupe n’est pas parvenu à trouver un accord pour débloquer des fonds supplémentaires, alimentant l’inquiétude des Grecs. Lors de ces 6 mois de crise aigüe, la demande d’espèces a augmenté de 11,2 Md€ dans le pays. La crise du Covid-19 Le déclenchement de la pandémie, en 2020 a, lui aussi, été suivi par une hausse des émissions nette cumulées de billets de banque dans la zone euro (+130 %). Une forte demande qui a entraîné une augmentation du volume des billets en circulation. Cette circulation « excédentaire » s’est prolongée en 2021 « malgré un déclin concomitant et bien documenté de leur utilisation pour les transactions quotidiennes – dû aux préoccupations sanitaires, aux confinements et à l’accélération du passage aux paiements en ligne et sans contact », précise l’étude. Là encore, souligne la BCE, c’est la crainte générée par le déclenchement de la crise et la mise en œuvre des premiers confinements qui a conduit les Européens à retirer massivement de l’argent liquide (616 M€ sur les 3 premiers mois de 2020 contre les 320 M€ prévus). Par la suite, une mécanique de « thésaurisation de précaution à long terme » s’est enclenchée, alimentée par les inquiétudes persistantes concernant la contagion et la stabilité des revenus. Pour la BCE, ces différentes crises « confortent la reconnaissance croissante par les autorités du rôle essentiel des espèces dans la préparation nationale aux crises ». La banque centrale européenne rappelle, à ce propos, que certains pays invitent déjà chacun de leurs habitants à détenir jusqu’à 100 € en liquide à leur domicile pour, en cas de blocage, couvrir leurs besoins essentiels pendant 72h. Plus largement, elle invite les banques centrales et le secteur privé à « garantir une offre de trésorerie efficace et robuste, englobant des stocks suffisants et des plans de continuité d’activité résilients ». Moyens de paiement : les espèces séduisent en période de crise Conjoncture 8